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Interview d' Yvonne Lambert : auteure du livre

Bonjour Mme Lambert, quel a été votre parcours scolaire ?

J’ai eu une scolarité facile, j’aimais l’école, j’aimais apprendre. Je travaillais et j’avais de bons résultats, ce qui est plutôt motivant ! J’ai choisi de faire des études littéraires (maîtrise de lettres classiques) car j’aimais lire et écrire.

Quel est votre métier actuel ?

Après 20 ans comme responsable éditoriale dans une maison qui publie des livres de pédagogie sportive, je me suis mise à mon compte comme éditrice free-lance. Éditrice, c’est le métier que j’ai toujours voulu faire : travailler dans les livres, aussi bien sur le texte que sur la maquette.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours pour avoir un enfant ?

Combien de temps avez-vous mis pour avoir votre premier enfant ?

Ç’a été un parcours laborieux ! J’ai rencontré mon conjoint à 33 ans, donc à cet âge-là, la fécondité n’est pas optimale. On s’est donné 2 ans tous les deux avant de parler bébé. A 35 ans, donc, comme le bébé ne venait pas tout seul, nous avons assez vite consulté. Nos résultats aux différents tests n’étant pas très bons, ma gynéco nous a rapidement orientés vers un de ses confrères spécialisé dans les FIV. Malgré une bonne réponse aux traitements hormonaux, nous avons essuyé 4 échecs de FIV en 3 ans. En parallèle, nous avons entamé des démarches d’adoption : là où il faut normalement 9 mois de grossesse pour avoir un enfant, nous avons mis 9 ans pour avoir nos 2 enfants.


Vous êtes-vous dirigée vers des pratiques de type acupuncture, art thérapie, etc. ?


Durant mes traitements hormonaux et mon parcours pour adopter, j’ai tenté de me détendre et éventuellement d’améliorer la situation en pratiquant le yoga et en faisant des séances d’acupuncture et d’ostéopathie. J’ai aussi consulté une psy spécialisée dans l’hypnose EMDR. Tout cela n’a rien donné sur le plan médical, mais ça m’a bien aidée psychologiquement, notamment les séances de psy, j’en sortais toujours ultra-réconfortée, me sentant plus forte. Et puis un jour, j’ai commencé à écrire, ça m’a fait beaucoup de bien.

Beaucoup de personnes témoignent en anonyme en ce qui concerne les parcours qu’ils ou elles effectuent pour avoir un enfant. D’où vous est venue l’idée d’en parler dans un livre ?


Le privilège de la FIV, c’est qu’on sait tout de suite qu’on est enceinte ! Et à chaque tentative, après qu’on m’avait réimplanté les embryons, je leur parlais pour les encourager à s’accrocher. Je savais bien qu’ils n’étaient alors que des paquets de cellules, dans l’incapacité de m’entendre, mais moi, ça me faisait plaisir de les imaginer déjà comme de petits êtres à peu près structurés. Un soir, quelques jours après ma 4e et dernière FIV, alors que je rentrais d’une séance d’EMDR, pleine d’énergie et d’optimisme, j’ai décidé d’écrire une nouvelle qui racontait la création des embryons in vitro et leur cheminement jusqu’à l’utérus maternel. Une semaine plus tard, comme, je parlais à ma thérapeute de cet écrit, elle m’a demandé si elle pouvait le lire. Je le lui ai donné. Quand je l’ai revue, elle m’a dit : « Mais, Yvonne, ce n’est pas une nouvelle, ça… ». J’ai transpiré, déçue et un peu honteuse : « Bon, me suis-je dit tout de suite, ça ne l’a vraiment pas intéressée… » Mais ma psy n’avait pas fini sa phrase : « …c’est le premier chapitre d’un roman ! Moi, je veux savoir la suite ! ». Je suis rentrée chez moi, dopée par cet enthousiasme, et ma nouvelle est devenue le 1er chapitre d’un roman. J’ai écrit le 2e chapitre dans la foulée et ainsi de suite, chaque soir, après le dîner, j’écrivais un chapitre, je travaillais parfois jusqu’à 3 heures du matin, mais je ne sentais pas la fatigue. J’avais l’impression de donner vie à mes petits personnages. Ils m’ont accompagnée tout au long de cette 4e FIV. Au bout de 15 jours, j’apprenais que celle-ci était un échec. C’était dur. Mais j’ai continué à faire vivre mes minuscules héros, ça me redonnait de l’espoir pour la suite.

D'après votre expérience, quelles sont les erreurs à ne pas commettre envers soi, envers son partenaire ou son entourage quand on est en plein parcours pour avoir un enfant ?


J’aurais plutôt envie de dire ce que je pense bon de faire :

- Communiquer avec son partenaire si on est en couple. Évoquer ensemble toutes les solutions qui s’offrent à soi selon son profil (couple hétéro ou homo, marié ou pas, personne seule), selon ce que l’on se sent capable d’accepter (FIV avec ou sans don de gamètes, mère porteuse, adoption en France et/ou à l’étranger).
- En parler avec ses proches, famille et amis, si on en a envie et si on sent que les interlocuteurs sont à l’écoute.
- Ne pas en parler, si on préfère que ça reste interne au couple.
- Garder espoir, y croire, ne pas se décourager ! Les échecs médicaux sont extrêmement durs à supporter, mais ça peut marcher.
- Ne pas attendre forcément la fin des tentatives médicales pour entamer des démarches d’adoption, car celles-ci sont très longues et compliquées. Il faut s’armer de patience. Mais quand on commence les entretiens pour l’adoption, ne pas dire aux services sociaux qu’on va encore faire encore une FIV : il se peut qu’ils mettent votre dossier sous la pile…
- Avoir recours à tout ce qui peut apporter du bien-être aux deux membres du couple, notamment les médecines douces.
- Se faire aider psychologiquement : cela m’a semblé nécessaire d’avoir une professionnelle pour parler de tout ça. Ça apporte du réconfort et ça évite de trop saouler sa meilleure copine !


Bien que l'on conseille vivement à tous et à toutes de lire votre livre, avez-vous des astuces à nous confier ?

Parmi les ressources venues de l’extérieur, j’ai en tête trois petites phrases de personnes de mon entourage au sujet de la maternité. Des phrases qui m’ont fait avancer. Tout d’abord, par rapport à l’absence de grossesse, qui peut être extrêmement difficile à vivre pour une femme, je me souviens du commentaire d’une de mes amies, mère de deux adolescents, quand je lui ai annoncé que je ne pourrais pas être enceinte : « Tu sais, la grossesse, ça ne dure que neuf mois. Bien sûr, c’est important au moment où tu la vis, mais le plus génial, c’est ce qui se passe après : quand le bébé est là, qu’il évolue, qu’il communique avec toi, qu’il grandit et tout ce qui suit ! C’est la vie, quoi ! Mes grossesses, franchement, je n’y pense plus ! Mais mes enfants, eux, je les vois et je pense à eux tous les jours. » Ensuite, sur le thème de l’enfant biologique tel qu’on le rêve, je me souviens de l’expérience d’une autre amie qui m’avait confié : « Quand mon fils et né, je me suis rendu compte que physiquement il ne correspondait pas du tout à l’image que je me faisais de lui. Je rêvais d’un petit brun aux cheveux noirs et frisés, comme son père, et c’était un petit bonhomme blond aux yeux bleus ! Au début, j’étais un peu déçue ! Et puis j’ai perdu de vue l’enfant rêvé car mon fils, bien réel, était là, et c’était lui que j’aimais. » Enfin, une autre phrase m’a frappée, pendant mes FIV, c’est la réponse de mon médecin, alors qu’il me voyait désespérée à l’idée de ne pas transmettre mes gènes à mes enfants, en cas de recours au don d’ovocyte ou d’adoption : « Les gènes ne sont pas les plus forts. Ce que vous et votre conjoint allez transmettre à votre enfant par votre amour et votre sensibilité, par votre manière d’être, de lui parler, de l’éduquer, il va s’en imprégner et ça prendra le pas, dans sa construction physique et psychique, sur l’héritage reçu de ses parents biologiques. »


Comment votre parcours a-t-il été perçu par votre famille ?

Bien. J’en parlais facilement avec mes proches. Ma mère est âgée et quand je lui parlais de nos essais médicaux, elle était un peu stressée. Mais avoir des enfants a été la plus grande joie de sa vie, alors elle me soutenait à fond car elle était tellement désireuse de me voir maman (et d’avoir des petits-enfants) que peu lui importait si ceux-ci étaient mes enfants biologiques ou pas. Et mon conjoint a deux cousins qui ont été adoptés donc ce n’était pas un sujet tabou dans sa famille non plus.

Quel message passeriez-vous au gouvernement pour que les choses changent quant à l'illégalité de quasiment toutes les alternatives (la légalité de certaines n'ayant eu lieu que très récemment) ?

Légaliser le don d’ovocyte et d’embryon pPour toutes les femmes, même si elles ne sont pas mariées, si elles sont solo ou en couple homosexuel. Le système consistant à trouver une donneuse pour remonter dans la liste d’attente est éprouvant…
Par ailleurs, certaines personnes pensent que ce n’est pas bon, d’un point de vue éthique, de faire naître des enfants qui ne connaîtront pas leur origine biologique vu que le don de gamète est anonyme. À ce propos, je me souviens, lors d’une conférence sur l’infertilité, du témoignage d’un jeune homme, né grâce à un don de sperme. À la question « Est-ce que c’est un problème pour vous de ne pouvoir savoir qui est votre père biologique ? », il a répondu simplement : « Je m’en fiche de savoir quel homme a donné la cellule qui a servi à me fabriquer ! Moi, je suis heureux d’être là et je bénis mes parents d’avoir eu recours à cette méthode ! ».


Quel message donneriez-vous à celles et ceux qui commencent à perdre espoir ?

Essayez de vivre normalement. Je n’irai pas jusqu’à dire « Essayez de ne pas trop y penser » car personnellement j’ai trouvé ça impossible : tous les jours, pendant des années, j’ai pensé à cet enfant qui ne venait pas ; à chaque fois que je croisais une femme enceinte dans la rue, j’avais les larmes aux yeux. Mais j’ai plutôt envie de dire : « Continuez votre vie, vos sorties, vos loisirs, votre travail. Tout ce qui vous occupe le corps et l’esprit est bon à prendre, car pendant ce temps, vous êtes distraits de cette obsession de désir d’enfant. » Parfois, c’est au moment où l’on n’attend plus rien que les choses se décantent…