Ben si, j'avais dit "non", et même précisé "c'est marqué sur la feuille, là : pas de câlins. T'es chié, quand même, d'habitude c'est moi qui passe mon temps à te demander des câlins et toi qui réponds que t'as pas envie, et quand c'est moi qui ai peur et donc pas franchement envie, toi, tu veux ?" Ce n'est qu'après qu'il soit monté dans les tours à base de "mais en France, on ne nous l'a jamais interdit, mais les femmes qui tombent enceintes sans "toutes ces conneries" (sic !) ne s'arrêtent pas de baiser pour autant, allez, merde, quoi..." que j'ai fini par dire "OK". Et oui, au fond, j'étais contente qu'il manifeste qu'il avait envie de moi, c'est toujours flatteur, surtout quand tu te sens énorme et pas franchement fraîche (tu verras, les ovules de progestérone, c'est que du bonheur...). Et c'est tellement rare que ce soit lui qui demande. J'étais juste, effectivement, contrariée qu'il me "force la main" et de finir par accepter pour éviter l'engueulade (que je n'ai pas évitée, elle est juste arrivée deux jours plus tard). Et je m'en voulais de stresser et de culpabiliser, parce qu'après 3 ans et demi d'échecs, il me semblait voir enfin la ligne d'arrivée. Et le stress, je le sais, ce n'est pas bon (encore que ça joue plutôt dans les conceptions naturelles, pas en AMP, dixit Pr G., étude à l'appui). C'est impossible de ne pas voir le côté médicalisé de la chose. Ton parcours est peut-être moins chaotique et a été moins long que le mien, je te le souhaite, mais on n'a tout simplement pas la même vision des choses parce qu'on n'a pas le même vécu. Le deuil de mes gènes ? Pfff, hyperfacile. Vraiment. Le deuil de Bébé ? Beaaaaucoup plus dur. A vrai dire, mon fichu caractère et mon refus de l'échec ne me prédisposent pas du tout à dire "tant pis, on fera sans" !
Quant à mon état d'esprit, laissez-moi vous raconter une anecdote. En février 2015, après une IIU, j'étais SÛRE que ç'avait marché, cette fois. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce qu'il y avait deux follicules et pas un seul, je me disais "merde, ça va bien marcher au moins sur l'un d'eux", et j'ai été d'une humeur charmante pendant les deux semaines d'attente, que je n'ai presque pas vues passer. Au matin du test urinaire, je chantonnais dans les toilettes. Pendant les trois minutes d'attente du résultat, je m'imaginais déjà au labo pour la prise de sang, en sortir avec le précieux papier, pleurer de joie dans les bras de mon homme, comment on allait l'annoncer... Bref, vous connaissez ça, hein, j'étais sur un petit nuage. Et... patatras, test négatif, aucun doute, il était blanc comme le blanc d'un œuf dur, immaculé comme la neige qui vient de tomber, pâle probablement comme moi quand je suis sortie des toilettes, décomposée. J'y avais cru si fort, je n'avais aucun doute, aucun, et puis mal aux seins, mal au bide. Ce matin-là, alors que je devais amener mon fils chez la nounou, je me suis allongée sur le canapé du salon et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps devant mon pauvre petit bonhomme. Gentiment, il m'a apporté son doudou pour me consoler, ça m'a permis de me reprendre juste le temps de l'emmener, mais ensuite, je suis rentrée chez moi, j'ai dit à mon employeur que j'étais malade (et je l'étais, malade de chagrin et de déception) et j'ai passé ma journée à pleurer et à hurler mon désespoir. Plus jamais ça. Peut-être que si je n'arrive plus à me projeter dans du positif aujourd'hui, que si je m'appuie sur ce qui est démontré ou vérifiable par des chiffres, c'est parce que j'ai eu tellement mal, ce jour-là et les suivants, que j'ai tellement cru que je ne m'en relèverais pas, que je ne peux tout simplement pas revivre ça. Du reste, je ne me souviens pas avoir à nouveau espéré comme j'avais espéré à cette tentative-là. Mon cerveau se protège...
Sinon, histoire d'alléger l'ambiance : le Pr G. m'a dit qu'il ne compte plus le nombre de patientes lui disant, résignées ou en larmes, qu'elles "n'y croient plus" et... qu'il appelle parce qu'elles sont +++. Que s'il suffisait de se dire "c'est foutu, c'est fini, il est parti", on n'aurait pas besoin de pratiquer des IVG. Que le cerveau d'une femme est déjà compliqué à comprendre pour un homme, mais une femme sous traitement hormonal bat tous les records d'émotions contradictoires. Il m'a dit que c'était normal, vu l'enjeu, que j'aie du mal à rester zen, surtout après tant de tentatives et quatre FC en finalement peu de temps. Qu'on avait eu raison d'être prudents à la première tentative, avec une seule groseille et pas deux. Il m'a encouragée, si besoin était, à retourner à Pardubice dès mon prochain cycle pour ne pas rester trop longtemps sous traitement substitutif et éviter d'avoir à nouveau à réguler ma TSH, qui est basse actuellement. Et à demander deux embryons, cette fois, car effectivement, il arrive que la vitrification leur fasse perdre en qualité. Et puis, c'est assez cher comme ça, alors on va s'épargner un voyage en plus... Bref, il m'a fait du bien au moral. Et le fait qu'on ait parlé avec mon chéri pendant plus d'une heure, hier, pour crever l'abcès et se réconcilier, et savoir chacun ce que vit l'autre, ça m'a également fait du bien. Voilà...