Très intéressant exposé fait par le docteur Laurence François , psychiatre, lors de la seconde journée de l'infertilité, sur les aspects psychologiques spécifiques de la parentalité d'enfants né du don,
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Le docteur Laurence François, membre des "Cigognes de l'Espoir" nous a permis de reproduire ce texte et nous la remercions ici au nom de tous nos membres et sympathisants
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1 Qu’est-ce que c’est être parents ?
C’est tisser une relation sécurisante avec son enfant et lui faire une place dans sa filiation, le faire entrer dans son histoire, c’est ça être « un vrai parent ».
Pour cela le lien biologique n'est ni nécessaire, ni suffisant
Pour se rassurer, on peut avoir en tête 2 choses :
Devenir parents c’est une crise de maturation, come une crise d’adolescence, cette crise est encore plus forte chez les parents infertiles !
Cela se construit dans le temps, les enfants nous construisent et nous parentalisent aussi.
2 Comment on créée le lien ?
Il commence bien avant la conception, à travers une grossesse psychique (le fameux enfant imaginaire),
Souvent pendant la grossesse il y oubli du don, et ça ressurgit plus tard parce que c’est un stigmate souvent visible de l’infertilité (à travers la question de la ressemblance)
A la naissance il y a une adoption mutuelle, un apprivoisement, même un enfant naturel est un petit étranger.
4 particularités influencent la construction du lien avec un enfant né du don :
Le traumatisme de l’infertilité et des traitements amène chez les parents des tas de constructions fantasmatiques qui viennent contaminer la façon de voir leur enfant. Il y a un vrai travail préparatoire à faire avant d'accueillir à l'enfant pour évacuer cela, et ne pas relier chaque difficulté éducative à la question du don, comme on le voit souvent pour les enfants adoptés.
2ème paramètre qui peut polluer le lien c’est le sentiment de sa légitimité en tant que parent : ne pas assimiler conception artificielle et parents artificiels, faux parents.
C’est arriver à se reconnaître dans son enfant, même s’il ne nous ressemble pas physiquement. L’entourage joue son rôle maladroitement « il/elle te ressemble au même âge ».
3ème paramètre c’est le sentiment d’étrangeté, voire l’inquiétude lié à l’héritage génétique partiellement inconnu, celui de la donneuse ou du donneur (comme si l’on maitrisait ce qu’on aurait pu transmettre nous !). Attention si l’enfant est vécu comme un étranger à la maison, voire comme une menace, il finit pas se sentir étranger à lui-même.
4ème écueil c’est l’idéalisation : cet enfant qu’on a tant attendu, on ne s’autorise pas facilement à exprimer des sentiments négatifs vis à vis de lui. On a imaginé que notre investissement serait pur, total, qu’on ne devrait pas être déçu ! Il faut renoncer à la fois avoir un enfant parfait et à être un parent parfait. Un écueil voisin serait de le surinvestir, surprotèger, d’avoir du mal à lui mettre des limites…
3 Idées obsédantes qui doivent amener à demander de l’aide
L’idée de transgression : « On a forcé la nature en faisant appel à la technologie, on va forcément le payer, il va arriver qq chose à notre enfant, par exemple des ennuis de santé » : cette culpabilité peut être renforcée par le tabou social et/ou religieux
« J’ai peur que mon enfant ne m’aime pas, qu’il me dise tu n’es pas ma mère » : renversement de ses propres craintes de ne pas l'aimer, il faut aller fouiner dans son histoire pour y retrouver ses angoisses d'être rejeté
Les idées d’adultère « C’est comme si mon mari m’avait trompé avec la donneuse, d’ailleurs elle ou son mari pourraient vouloir reprendre l’enfant » : renversement du sentiment d’avoir volé l’enfant d’une autre, aller explorer une rivalité ou une hostilité envers sa propre mère dont on avait pas conscience et qu’on projetterait sur la donneuse
« Et si mon fils/ma fille rencontrait un partenaire qui a le même donneur ? » : se questionner l’inceste est-il génétique ou social ?
Etc.
4 Pourquoi, quand, comment le dire ?
L’infertilité peut-elle se transmettre ?
Pourquoi le dire ? = pourquoi ne pas le dire ?
« ça va le faire souffrir », non, c’est une projection des parents de leur propre souffrance sur leur enfant.
Pour lui, savoir qu’il est né d’un désir aussi intense, qu’il a fallu de grands efforts pour qu’il vienne au monde c’est très structurant. ! Et c’est ça que l’enfant va retenir et qui va construire son identité et non la manipulation de gamètes.
A l’inverse, si on ne le dit pas, l’enfant ne peut pas percevoir la vérité mais il va sentir qu’il y a un secret autour de sa conception.
S’il sent que c’est un sujet douloureux, il ne posera aucune question et il souffrira en silence.
Là peuvent s’installer la culpabilité, la honte, l’inhibition ou des difficultés d'apprentissage.
Quand ?
Pendant la grossesse, s’entrainer à raconter, mesurer l’ampleur des émotions qui émergent, chercher les mots.
A la naissance, cela aura été dit une fois et va rester dans l’inconscient comme quelque chose de su.
A l’âge où l’enfant prends conscience de la différence des sexes et demande comment on fait les bébés.
Comment ?
On peut prendre appui sur du matériel pédagogique, petits livres adaptés à l’âge, ou créer le sien. Tout en oubliant pas de dire ses émotions, en ne se cachant pas derrière les images (image : paravent psychique) et surtout de commencer par expliquer la reproduction naturelle et de mentionner l’acte sexuel !
« Vais-je transmettre mes problèmes d'infertilité à mes enfants ? »
Non, pas forcément ! Ce qui importe ce n’est pas que le mode de conception soit issu d’un rapport sexuel mais que la relation affective et sexuelle soit régulière chez les parents.
On l’a vu le risque c’est de transmettre nos trauma non dépassés liés à l’infertilité, en tant qu’homme ou femme, notre sentiment d’impuissance ou la difficulté à investir cet enfant comme le nôtre, à nous reconnaître en lui.
5 Et l’adolescence ?
Beaucoup de mères ont peur d’entendre « tu n'es pas ma mère » : alors se poser la question : « est-ce que je me sens moi la mère de cet enfant ? »
Le fait qu’un ado remette en question l’adulte est un bon signe, cela confirme qu’il le considère comme son parent et suffisamment solide pour être bousculé!
Le rôle des parents à l'adolescence, en dehors de donner un cadre, c’est de les aider à transformer leurs angoisses, à rendre pensable leurs questions existentielles, leur hostilité, etc.
C’est difficile d’accepter les remises en cause, nos enfants nous révèlent nos failles, nos manques… On pourra résister à ces attaques justement en fonction du sentiment de sécurité à se sentir de vrais parents.
6 Comment vont les enfants issus du don ?
Globalement ils vont bien !
Les études montrent qu’ils vont bien physiquement et psychiquement, n’ont pas plus de problèmes que les autres.
Souvent les parents sont très impliqués émotionnellement, permettent des interactions de qualité, sécurisantes, voire surinvestissent ces enfants, qui ont été tant attendus et rêvés !
Les difficultés peuvent être là pour certains enfants : comment répondre au poids des attentes parentales ? On observe parfois une avance scolaire.
Pour d’autres parents la difficulté ce sera de poser des limites et d’infliger des frustrations à leur petit.
Ce qui joue sur le bon développement, ce sont la levée ou non du secret sur les modalités de conception, et comment les parents ont surmonté ou non le traumatisme de l’infertilité et des actes médicaux pour y remédier.
Bien sûr aussi la personnalité des parents, leurs relations avec leurs propres parents, les conflits et les manques de leur propre enfance.
Ce sont souvent des enfants qui ont beaucoup d’imagination et de théories sur les origines et la fin notamment dans leurs théories sexuelles infantiles)
CONCLUSION
Il est indispensable de revisiter nos blessures liées à l’infertilité, à l’AMP pour pouvoir construire une histoire commune qui va donner du sens à la vie de l'enfant.
Mais pour tempérer cela, comme Sylvie Desjardins je citerais Christian Bobin qui dit très justement « Les enfants poussent à travers nos erreurs »[/i]